Une association sur le numérique à Damgan!
Au printemps dernier nous avions relayé la bonne initiative de « Damgan autrement » qui proposait de faire un diagnostic sur le numérique à Damgan. Indépendamment des inégalités de réception d’internet (notamment à Kervoyal), ces échanges avec la population ont montré qu’il y avait un réel besoin de connaissance sur l’informatique et l’internet sur la commune. Petit à petit l’idée d’une Université populaire du numérique s’est développée. C’est aujourd’hui chose faite et c’est Jérôme Choain, ingénieur informaticien (il était consultant technique sur ce projet), qui s’est chargé de créer cette association damganaise à laquelle de nombreux Kervoyalais se sont déjà inscrits.
Après vous avoir brièvement détaillé les résultats de ce diagnostic, nous interviewerons pour cet article, Jérôme Choain, qui nous présentera les ambitions de ce beau projet. Cet homme engagé et altruiste nous dévoilera ses motivations et ses ambitions numérique pour Damgan. Il nous expliquera pourquoi Kervoyal a peu de réseau et nous parlera aussi de Google et de l’économie du web, et de son usage.
Résultats de l’enquête internet
Pierre Bleiberg, président de Damgan Autrement, a présenté dans Le Télégramme « quelques résultats de l’enquête réalisée auprès des Damganais. Sur les 193 réponses, il ressort que la réception ADSL et Internet mobile est satisfaisante à 53 %, peu satisfaisante à 31 % et très insuffisante à 16 %. Les mauvais résultats proviennent surtout de Pénerf et Kervoyal.
Pour améliorer l’accès Internet avec les téléphones portables, il a été demandé aux élus d’entreprendre une démarche auprès des opérateurs pour qu’ils émettent tous en 4G (nouvelle technologie très rapide) et qu’ils améliorent la couverture de la commune. Pour l’internet fixe, la perspective d’accéder au très haut débit pour tous avec la fibre optique est trop éloignée dans les plans de la région. Il a été souhaité que la commune accélère le passage à la fibre optique ».
Entretien avec Jérôme Choain
Jérôme Choain vient de créer une Université populaire du numérique à Damgan qui rencontre un vif succès auprès de la population et dont la presse s’est largement fait l’écho. Auparavant il avait déjà créé sur internet « la gazette des damganais » et est bénévole informatique dans de nombreuses associations telle que « Un vieux gréement à Damgan ».
Bonjour Jérôme et merci d’avoir accepté cette entrevue. Vous venez de créer une association sur le numérique, quelle est la finalité de ce projet?
Merci à vous! L’objectif de l’association est d’apprendre, de partager sur tout ce qui touche au numérique. Du plus simple atelier sur l’utilisation de la souris et du clavier au débat le plus poussé sur les données personnelles et la vie privée en ligne, nous pouvons tout aborder. En toute simplicité, zéro complexe, tous les âges, tous les niveaux, c’est une association ouverte à tous qui espère bien aussi comme d’autres créer du lien social. Bienveillance et échange sont l’esprit que nous souhaitons insuffler dans cette aventure. Certains viennent pour apprendre, d’autres pour offrir leurs connaissances, et les rôles peuvent s’inverser d’un atelier à l’autre. Chacun peut choisir ce qui l’intéresse.
Beaucoup de gens sont d’abord demandeurs de cours niveau débutant pour mieux se servir de matériels informatiques qui sont rentrés dans leurs foyers: ordinateurs, tablettes, smartphones… Pour ma part j’essaierai d’aider sur ces ateliers d’initiation, mais je compte aussi parler de mes passions, notamment Internet dans ce qu’il a de plus beau: la capacité d’organiser le commun, de donner la parole à tous, sans exception et sans hiérarchie.
Est ce que cela répond à une demande que vous avez constaté au cours de votre implication dans de nombreuses associations?
Des gens qui ont besoin d’un coup de main, c’est permanent. Je crois que la question que j’ai le plus entendue dans ma vie c’est « dis donc, tu t’y connais en informatique toi, non? ». J’ai tenté depuis quelques années différentes expériences, installé des outils collaboratifs pour aider des groupes, notamment des associations. Ca m’a donné la possibilité de mesurer à quel point personne ne s’en sert :).
Il y a beaucoup de raisons à ça. Certes il y a un manque de formation aux outils, la peur de « ces trucs là ». Mais il y a aussi les usages. Le numérique c’est une culture, une façon différente de faire société qui s’appuie sur l’intelligence collective plutôt que la performance individuelle. Nous venons d’un monde du secret où on nous a appris à garder l’information, à cacher notre devoir pour que l’autre ne puisse pas copier. Je pense qu’on ira tous plus loin si on fait nos devoirs ensemble.
Vous avez déjà créé un site « la gazette des damganais » qui a pour but le partage d’informations sur la vie locale, avez vous eu des difficultés a collecter de l’information? Selon vous, ce culte du secret a-t-il une origine culturelle ou est-ce justement le manque d’information qui bloque l’information?
La Gazette des Damganais est un blog qui s’inscrit dans le même esprit, c’était une initiative personnelle à laquelle je n’ai pas pu consacrer assez de temps. J’ai acheté le domaine daman-partage.fr et je proposais à ceux qui en avaient besoin d’y mettre ce qu’il voulaient. Des infos via la Gazette, mais aussi héberger une page web simple comme on l’a fait pour l’association Breizh Dentelle (voir ici) . On y a installé quelques listes de diffusion, une pour les problèmes de transport pour nos lycéens vers Questembert et une pour les discussions sur le numérique qui ont démarré en amont de la création de l’association (voir ici).
S’agissant du « culte » du secret, le mot est peut être un peu fort, mais une chose est sûre, on n’a pas l’habitude de « mettre la balle au centre », c’est à dire quand on a une info qui peut concerner un groupe, avoir le réflexe de la partager sur un espace commun (liste de diffusion, blog, wiki…). C’est bien un problème culturel.
Vous avez activement participé à l’enquête damganaise sur le numérique et l’inégalité des réceptions sur un même territoire et selon les opérateurs. Que peut faire une commune comme Damgan?
C’est un problème compliqué, de gros intérêts politiques et commerciaux sont en jeu. Je ne suis pas expert en la matière, mais la mobilisation des élus et des citoyens me semble nécessaire si on veut voire se développer des infrastructures qui sont prioritairement installées sur les zones à haute densité de population. Et puis il y a plusieurs aspects: d’une part la téléphonie mobile qui nécessiterait certainement quelques antennes supplémentaires de Pénerf à Kervoyal, et puis d’autre part l’internet très haut débit avec la fibre optique dans les foyers. Il faut se battre pour ses rêves 🙂
Et quel est le problème avec le débit à Kervoyal ou Pénerf?
Pour ce qui est du problème de débit à Kervoyal et Pénerf, là comme partout ailleurs sur la commune le problème est simple: il y a un central (on appelle ça un NRA et le notre s’appelle DMG56), il est situé place des lavandières, et plus vous en êtes proche, plus votre débit sera haut. Internet arrive à ce central puis passe par le cuivre des câbles téléphoniques pour arriver chez vous. Comme il y a de la perte en ligne, plus la ligne est longue, moins le débit sera bon. Dans le centre on peut monter dans les 20mb/s (méga bits / seconde), en bout de ligne sur Pénerf ou Kervoyal on peut tomber à moins de 1mb/s. La différence avec la fibre optique c’est que non seulement il y aurait un débit au départ nettement supérieur, mais en plus qu’il n’y aurait pas de perte, Kervoyal, Damgan et Pénerf, tout le monde serait logé à la même enseigne.
Depuis que vous êtes ingénieur vous avez vu l’informatique évoluer. On constate l’émergence de l’internet et l’omniprésence du « partage à tout va ». On passe progressivement du secret que vous évoquiez au déballage (mise en scène de soi ou dénigrement de l’autre). Cela a des conséquences parfois graves pour les plus jeunes ou les plus fragiles. Comment peut-on naviguer, partager et se préserver?
C’est toute l’ambition de notre association, développer notre culture numérique pour mieux appréhender tous les cas de figure. Apprendre que le web est une place publique, que ce n’est pas espace de non droit comme certains peuvent le dire. La loi s’applique aux propos tenus en ligne et parfois très durement car les juges ne sont pas plus cultivés que les autres dans ce domaine et appliquent parfois des textes inadaptés à ces nouveaux modes de communication.
Les célèbres « dangers d’internet » sont réels pour certains mais font trop les choux gras d’articles sensationnalistes. Internet est un territoire, il faut s’y promener, en apprendre les usages pour ne pas se faire berner. Mais il y a beaucoup plus à apprendre qu’à perdre.
Sinon, les logiciels sont de plus en plus facile à installer, les versions gratuites ou « libres de sources » se trouvent relativement aisément, il y a des tutos sur tout. Quel est l’avenir de ce marché? Quelles sont les conséquences pour l’utilisateur (et pour l’ingénieur?)?
J’espère que nous arriverons par exemple à voir comment on peut apprendre seul. Effectivement on peut tout apprendre sur le net. Nous ajoutons dans notre association une dimension locale, un espace de proximité pour aborder tout cela en étant plus confiant, mais idéalement l’objectif est d’être autonome. Ca ne veut pas dire de pouvoir retourner dans son coin, mais d’être indépendant, d’être libre. Et puisque vous parlez du logiciel libre, ce sera un sujet incontournable en ce qui me concerne. Le logiciel libre est un monde passionnant aux valeurs éthiques magnifiques et aux applications impressionnantes.
Quant à la question du marché, cela touche à des fondamentaux de nos sociétés parce qu’une communauté qui développe souvent bénévolement des logiciels transparents et disponibles pour tous puisque copiables à l’infini, ce n’est pas exactement le modèle qui régit nos économies obsédées par la rentabilité et les droits d’auteurs.
Google est le site qui génère le plus de visite, notamment en France ou il sert de moteur de recherche pour 92% des français, alors qu’il ne représente que 60% aux états unis. Tout y est gratuit et pourtant, grâce a sa collecte de données, c’est devenu une des entreprises les plus riches au monde et parmi les plus décriées. Comment expliquez vous ça et y’a t-il un danger? Sommes nous coupable, victime ou bénéficiaire?
Rien n’est gratuit, surtout pas Google. On a l’habitude de dire que si un service est gratuit, c’est que c’est vous le produit. Et c’est le cas pour ce qu’on appelle les GAFAM (Google Apple Facebook Amazon Microsoft), ces grandes entreprises qui monopolisent une part titanesque du trafic mondial et qui vous pompent littéralement vos données personnelles.
L’accumulation de ses données à une énorme valeur marchande dans un monde ou la publicité est reine. Le sujet des données personnelles est très important et très peu connu, je compte bien y consacrer des ateliers. J’essayerais peut-être de voir si on pourrait organiser un projection débat au cinéma de Damgan sur « Les nouveaux loups du web » comme celle à laquelle j’ai assisté récemment à Muzillac (bande annonce ici). Selon l’auteur du film, chaque année vous rapportez 500$ à Google.
Enfin, en quelques mots: à quoi servent un ordinateur et l’internet? Sachant que les deux sont dissociables et qu’il y a des sceptiques!
Un ordinateur c’est une machine, c’est un robot qui obéit à des commandes. Ce robot est de plus en plus puissant, il peut réaliser des commandes de plus en plus complexes: aujourd’hui avec un ordinateur vous pouvez enregistrer un disque, faire un film, de l’astrophysique, du point de croix, de l’impression 3D…. Il devient de plus en plus difficile de trouver des choses qu’il ne peut pas faire.
Internet c’est la connexion entre ces ordinateurs à travers le monde, c’est ce qui en quelque sorte donne une intelligence au système. Je vois cela comme des neurones. Un neurone tout seul est certainement une machine merveilleuse mais c’est le cerveau qui est intelligent.
Quant aux septiques, je ne cherche pas à les forcer à rejoindre cet univers, tout le monde est libre, mais qu’ils sachent qu’ils seront toujours les bienvenus.
Vous avez côtoyé de nombreux habitants à Damgan, peut-on dire que, finalement, c’est à Kervoyal qu’on est le plus au fait des nouvelles technologies?
Sans aucun doute, je n’ai jamais vu une technopole aussi avant-gardiste que Kervoyal! :).
Merci beaucoup, nous souhaitons beaucoup de succès à cette nouvelle association.
Passionnant! ;p
merci!
Super + des bonnes photos , Jérôme est photogénique…
Volontaire ? d’écrire septique comme les wc au lieu de sceptique comme l’orthographe
Amitiés
eric
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