Une nouvelle cabine de bain à Kervoyal!
Pourquoi un article sur les cabines de plages?
Par ce qu’une nouvelle vient d’être inaugurée cette semaine à Kervoyal, la 11ème et c’est un événement suffisamment rare pour qu’on en fasse un article détaillé.
Pour mieux comprendre ce que représente une cabine de plage dans l’univers breton et Kervoyalais nous débuterons par un étonnant historique sur les bains de mer et leur pratique.
Ensuite nous verrons que les cabines ont bien évolué depuis leur début, que ce soit à Kervoyal ou ailleurs.
Enfin, nous avons la chance de vous proposer un entretien exclusif avec l’heureuse propriétaire de cette nouvelle cabine, Sandrine, qui nous dévoilera tout sur la genèse de cette belle aventure.
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Les cabines de bains à Kervoyal
Rappel historique sur les bains de mer.
Il est naturel de nos jours d’aller se baigner, mais ce ne fut pas toujours le cas et les cabines de bains en sont le témoignage.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, on ne parlait d’ailleurs pas de plage, mais de grève. Cette partie de la côte caillouteuse ou sablonneuse n’était fréquentée que pour un usage « professionnel », on y recueillait essentiellement le goémon, on y faisait éventuellement un peu de pêche ou l’on ramassait sporadiquement ce qui s’y échouait.
Bref on ne s’y aventurait pas trop, il faut dire que des légendes tenaces voyaient en ce lieu infertile (l’estran, dont on connait aujourd’hui la richesse) le terrain des apparitions du « bateau de nuit » (Bag Noz ) conduit par le premier défunt de l’année venant chercher ceux qui l’apercevraient…
Mais le XIXe siècle est celui des voyages, notamment des Anglais fortunés qui venaient faire « un tour » en France (origine du mot tourisme). Et ceux-ci ont emmené un livre qui révolutionna le tourisme, celui du thérapeute Richard Russell qui publia en 1750, un ouvrage décrivant les bienfaits de l’eau de mer sur diverses maladies.
Cette mode lancée par les « grands de ce monde » débuta à Brighton puis débarqua tout d’abord à Saint-Malo et rapidement à Dinard puis au Croisic. Vinrent ensuite les côtes belges et normandes, puis les Landes et le Pays basque (Biarritz et San Sebastian). La Méditerranée, considérée comme « stagnante et polluée » et donc moins « saine et vivifiante », n’eut pas le même succès.
Plus tard chacun trouva son « petit coin » au calme et des stations plus modestes virent le jour au début du XXe. Damgan et Kervoyal font partie de celles-ci, notamment avec l’arrivée du train à Muzillac et Ambon.
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Les premières cabines
Même si les premiers bains de mer avaient une vocation thérapeutique et médicinale, les mœurs de l’époque étaient encore d’une extrême rigueur et il n’était pas question de dévoiler son corps, particulièrement pour les femmes.
On se baignait donc vêtu d’un « costume » (jusqu’à 6 pièces et dont l’usage était interdit en dehors de la plage), mais il ne fallait pas voir, à la fois, ni le changement de tenue ni la personne dans ladite tenue. Le but étant de s’immerger dans l’eau (sans nager) sans être vu, dans une station ou il fallait être vu! Le tout souvent accompagné par un médecin! L’essentiel de l’activité qui ne devait jamais durer plus d’un quart d’heure (et en plusieurs immersions) consistait à marcher dans l’eau en s’agrippant à une corde attachée à plusieurs poteaux immergés.
C’est pourquoi les premières cabines étaient des cabines mobiles. Elles devaient permettre à la personne de se changer et de se baigner à l’abri des regards (derrière la cabine!).
Ces cabines-roulottes étaient tractées par des bœufs, des ânes ou des chevaux, ce qui ne devait pas être très hygiénique!
Ensuite il fallait hisser un petit drapeau pour que l’on ramène la cabine au bord…
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Le roi d’Espagne, Alfonso XIII, trouva une solution radicale à San Sebastian (station balnéaire basque, la préférée des rois d’Espagne, puis de Franco. Capitale européenne de la culture 2016) avec un mini palais flottant tiré par des bateaux à rames sur un rail; voir illustration ci-dessous:
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Mais les pratiques changèrent progressivement avec l’arrivée de la natation et des nageurs.
En effet, ceux-ci évoluant au large pouvaient apercevoir les baigneuses! D’où l’idée de séparer les plages en zones définies et sous la surveillance d’officiers charger de vérifier la sécurité de tous et les bonnes mœurs de chacun.
Il fallu attendre les années 1910-1920 pour qu’il fut plus acceptable pour les hommes et les femmes de se baigner ensemble et d’être vus en « maillot ». Les premiers « une pièce » apparurent dans la foulée, vers 1930.
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C’est à cette époque que les cabines devinrent sédentaires (hormis certaines amovibles en toile) et que les stations balnéaires, avec la complicité des chemins de fer, prirent des noms « commerciaux »: Côte d’Émeraude (Dinard) en 1894 ou Côte d’Amour (La Baule) en 1913, pour ne citer que les bretonnes.
Ceci dans le but de faire venir du monde et c’est à cette époque que ces stations balnéaires se structurèrent de façon à accueillir les premières transhumances estivales. Le tout accompagné d’extravagances architecturales. Il en reste aujourd’hui des noms évocateurs qu’il est toujours agréable de fréquenter. Mais hors saison!
A Kervoyal, il nous reste de cette époque le « Petit Château » et à Damgan, il ne reste guère que La Villa Saint Anne, le casino (aujourd’hui Salle de la Rotonde) et l’ancien Hôtel Bellevue. Et c’est dommage de voir notre patrimoine ainsi s’amenuiser. Heureusement, il reste les cabines à Kervoyal. Et il y en a même une nouvelle! Comme quoi, Kervoyal, c’est génial!
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Les cabines à Kervoyal
On en atteste la présence aux alentours des années 1910. Il y en eut certes moins qu’à Damgan (plus proche de la gare et bénéficiant de plus de commerces). Mais à partir de cette époque, on en compte plus ou moins une dizaine en permanence, sauf durant la guerre où la plupart furent détruites.
Les premières cabines étaient la propriété des hôtels (celui des Deux Plages notamment) ou de colonies. Depuis elles sont plutôt la propriété de particuliers.
À partir des années cinquante et le retour des vacanciers (et non plus des « baigneurs ») les activités de plages évoluèrent autant que la taille des costumes de bain rétrécissait! Dorénavant il n’est plus honteux d’avoir le teint hâlé et, parfois, prendre un bain de mer, c’est aussi prendre un bain de foule…
Il est à noter que pour la plupart les emplacements furent volatiles jusqu’à la présence de socles. La plus ancienne est celle de la toujours vaillante Jeannette de la famille Bucas-Français (voir article Ouest-France).
Il est à remarquer que le charme particulier des cabines kervoyalaises vient du fait qu’elles soient éparses et de formes diverses alors que d’autres, comme à l’Île aux Moines ou Bénodet sont en ligne et semblables.
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Ces dernières années, un flou juridique en a empêché la restauration ou l’acquisition, ce qui eut pour conséquence le délabrement de certaines.
Au début des années 2000, il n’y en avait plus que 7 ou 8 de viables. Depuis quelques années les plus anciennes ont étés restaurées et leur nombre est dorénavant de 11 alors que 1 ou 2 supplémentaires semblent en construction vers le « petit château ».
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Interview de Sandrine, qui vient d’inaugurer la dernière cabine de Kervoyal.
Avec son mari Jérôme ils ont fait plaisir à tous les Kervoyalais en étant à l’origine d’une nouvelle cabine sur la petite plage de Kervoyal inaugurée le 7 mai dernier. En effet, la présence de cabines est avérée depuis près d’un siècle sur cette plage et lui donne un charme coloré et inégalé que l’on ne retrouve que sur peu de plages françaises. Nous voulions en savoir plus sur la genèse de cette idée et nous avons donc rencontré Sandrine l’heureuse propriétaire, qui réalise un rêve d’enfance.
Bonjour Sandrine, vous faîtes partie des « vieux kervoyalais », que représentent cette plage et ses cabines pour vous?
Nous n’aimons pas trop l’expression vieux Kervoyalais même si je viens depuis l’âge de 4 jours et Jérôme depuis très longtemps, nous sommes tous Kervoyalais dans nos cœurs à partir du moment où nous aimons venir et y revenir.
Toute petite je passais deux mois à Kervoyal avec mes grands-parents puis mes parents. Nous nous mettions toujours au même endroit en bas des escaliers et j’attendais avec impatience l’arrivée des sœurs de la colonie. Elles déballaient le matériel de plage de cette grande cabine blanche afin que les enfants puissent jouer et se baigner. C’était la seule ouverte et jamais je n’aurai pensé en avoir une un jour.
Pour moi la petite plage c’est beaucoup de souvenirs autant anciens que récents. C’est la plage de mon enfance où j’attendais mon Papa revenir de la pêche, mon grand-père faire des photos sur la dune, mes frères jouer à la pétanque, une petite crêpe avec ma sœur au TRIMARAN, l’endroit où j’ai rencontré mon mari, Miko qui passe, le filet de volley, mes enfants sauter des socles sans cabines, mon beau père pêcher la crevette et encore aujourd’hui le théâtre de beaucoup de bons moments familiaux et amicaux.
Qu’est-ce qui vous a motivé dans cette aventure ?
Une fois que la Mairie et la petite association ont décidé de réhabiliter les socles disponibles on s’est réjouit à l’idée du possible. Et comme vous l’évoquez, de faire perdurer la tradition centenaire en respectant le charme de cette petite plage.
Les démarches administratives ont du être longues, racontez nous cela.
Nous nous sommes mis sur la liste d’attente de l’association « Les cabines de Kervoyal », c’est un peu comme pour les corps-morts. Le changement de Mairie a également retardé notre projet mais l’actuel Maire ayant eu la bonne idée de réhabiliter les socles vides nous avons pu faire construire le nôtre cette année. Merci à cette association de nous avoir aidé.
Y’a-t-il des contraintes particulières?
La principale contrainte a été la contrainte administrative, et comme évoqué ce fut long. Ensuite le cahier des charges est assez strict mais nous avons fait faire sur mesure par un menuisier local. Ensuite il faut choisir parmi trois couleurs de peinture (bleu, blanc, jaune).
Votre cabine est finement décorée par des artistes locaux (Degast et Kiki de Kervoyelles), en quoi était-ce important?
Nous voulions une fenêtre mais celle-ci ayant été volontairement oubliée par le menuisier (local s’il vous plait), nous avons pensé que nos amis artistes (locaux) pourraient nous faire un clin d’œil et leurs avons laissé libre choix. Je ne vous cache pas qu’il a été difficile de tenir sans y jeter un œil jusqu’à l’inauguration de celle-ci. Kiki et Jean-Jacques sont des piliers de Kervoyal ils animent notre village toute l’année avec joie, goût et bonheur. Avec cette œuvre nous participons modestement à leur volonté de développement artistique et culturel.
Merci à vous et nous vous souhaitons de bonnes et longues vacances kervoyalaises…
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article très intéressant et bien documenté ,j’ai également apprécié les photos
Merci beaucoup.
Bel article!
Mais, nous voudrions rappeler que c’est l’intervention des Amis de Kervoyal en 1996, qui a permis que ces cabines ne soient pas détruites. Le temps d’un aller retour sur la petite plage avec l’ingénieur responsable aux Affaires maritimes de l’époque, Monsieur Detraze, pour le convaincre de les laisser en place, malgré leur délabrement et l’insécurité engendrée. Mémorable et décisif « petit tour de plage »! Donc, comme l’association s’y était engagée, elle réunissait les propriétaires à la fin de l’été 96, afin que la restauration des cabines soit entreprise. Et l’histoire continue…
Bonjour, savez-vous s’il est encore possible de trouver ces affiches de Kervoyal des années 30 (je suppose)?
Cordialement
Charlotte
Bonjour.Pour l’nstant il n’y en a plus. Je suis désolé. Cordialement.